TRAVAUX RÉCENTS

Quatre ans  se sont écoulés depuis la première exposition d’Anne Peverelli à la Fondation Louis Moret en 2002. Cette année encore elle est présente à Accrochage au Musée des Beaux-Arts de Lausannne et on a pu voir récemment ses toiles à l’exposition de la Fondation Irène Reymond à l’Espace Arlaud. Elle a auparavant montré des monotypes au Cabinet des Estampes du FAC à Sierre, a participé à d’importantes expositions autour du dessin au Kunstmuseum de Bern et à Saint-Gall et présenté une exposition personnelle à la galerie Confer à Nyon.

L’exposition d’Anne Peverelli est constituée d’une trentaine de peintures et presque autant de dessins et s’intitule sobrement Travaux récents. Pour dire la continuité du travail dans le temps,  sans rupture, comme une ligne cousue au point-arrière, une couture solide qui repique toujours un peu avant le dernier point pour s’élancer au-delà. L’image n’est pas innocente puisqu’il y a quelques années le fil, sur ou autour de la toile, constituait pour elle un moyen d’aborder la peinture en contournant le medium,  en élargissant le propos. Le fil a disparu mais il reste un travail de peintre qui s’articule autour de trois données importantes: les conditions posées par les matériaux, les gestes qui en tiennent compte, et un vocabulaire plastique qui regroupe certains motifs: la grille, la prolifération, l’écoulement, la diffusion.

Anne Peverelli porte une attention particulière aux supports et expérimente différents textiles qu’elle tend sur châssis – toile de Bretagne, toile de Toulouse, feutrine à poils ras et molleton accueillant – choisis pour leurs textures et leurs réactions spécifiques aux différents modes d’application de la peinture sur leurs surfaces. De même pour les dessins réalisés sur des papiers de toutes sortes et des cartons variés, tous récupérés et porteurs d’une histoire. Sa curiosité se manifeste à l’égard de tous les types de peintures: aquarelle, acrylique, laque brillante, peinture synthétique, peinture à l’huile. Autrement dit eau, essence et huile. Combinées aux différents supports – aquarelle sur molleton, acrylique sur toile imprimée – ces composants induisent des formes qui leur sont propres.
Les tensions qui se créent entre des formats très divers, du plus petit au plus monumental, associés par opposition ou par affinités, enrichit encore le jeu combinatoire. A ce catalogue de matériaux s’ajoute celui des gestes du peintre: tracer au pinceau, peindre en réserve avec des caches, égoutter la peinture, la faire couler, la faire boire, la brosser, l’éponger. La pousser, la repousser, la guider. Et agir en une seule séquence, sans presque aucun repentir possible.

Cette énumération des composantes physiques de l’œuvre s’inscrit dans une démarche de concertation de l’artiste avec les moyens et les outils de l’art, les soumettant à un questionnement insistant. Ces données convergent dans un univers de références visuelles. A l’atelier, quelques photographies découpées et épinglées au mur font écho aux toiles et aux dessins; une grille d’échafaudage, des entrelacs de canalisations sauvages dans une arrière-cour, une flaque brillante sur le bitume, une avalanche qui crée le vide dans la masse sombre d’une forêt… toutes images croisées dont Anne Peverelli ne retient que l’ambiguïté de la vision, entre deux et trois dimensions. Esquisse d’espaces, distorsion de la géométrie, réseau linéaire, tache diffuse en surplomb, coulures figées ou rampantes, autant de variations sur la disposition physique de la peinture à coïncider avec le réel. Sur fonds monochromes et dans des gammes retenues de gris-vert, gris-rouge, brun rosé, prune, blanc, couleur de toile ou de molleton. Les dessins sur papier d’Anne Peverelli sont aussi significatifs que sa peinture sur toile. Sans désir de séduire, ils posent un geste nu sur un support fragile et, avec une belle simplicité, offrent le calme et l’intensité de signes faits d’expérience et de hasard conjugués.

Marie-Fabienne Aymon