Phytogrammes

Les petites plantes, leurs formes, leurs structures, leur folle diversité, leur modestie, leur génie… En une quarantaine d’images en noir et blanc, Robert Hofer décline l’intemporelle modernité et l’impeccable architecture organique de la nature.

Le chasseur devenu cueilleur
Depuis William Henry Fox Talbot en 1839 jusqu’à Robert Mapplethorpe en 1988 en passant par Karl Blossfeld en 1928, les fleurs et plus généralement la nature ont accompagnés l’histoire de la photographie. Inspiratrice de tant d’artistes et objet de recherches scientifiques, la flore fascine toujours et encore. Photographier des plantes sans appareil photo peut paraître paradoxal pour un photographe, mais un scanner moderne ouvre des champs d’application tout à fait passionnants pour inventer des « phytogrammes » différents. La contemplation patiente de la nature a d’autre part une vertu apaisante parfois. La technique d’impression quant à elle (encres pigmentées au charbon et tirages sur papier gravure) apporte une profondeur particulière qui était jusque là difficilement atteignable même avec le traditionnel papier baryté.
Robert Hofer

La première série des Phytogrammes de Robert Hofer, Le jardin d’Eva, débute par l’expérience de l’empreinte lumineuse de la plante. Placée dans l’agrandisseur, là où se trouve habituellement le négatif au moment du tirage, la plante est projetée directement sur le papier. Littéralement héliogravée, elle se révèle inversée, telle un « négatif végétal » sur fond noir. Cette image unique puisque sans autre support que son sujet, est scannée puis imprimée.

Fort de cette expérience, le photographe entame la deuxième série des Phytogrammes, techniquement plus radicale encore. Disposées directement dans un scanner dans un espace plus grand, les plantes sont capturées en aplats ou en transparence et apparaissent au choix en positif ou en négatif. Les possibilités s’élargissent, le catalogue s’enrichit.

L’esprit documentaire de Robert Hofer le pousse ensuite à s’intéresser aux travaux scientifiques des botanistes et à leurs recensements systématiques; c’est la troisième phase en cours des Phytogrammes. Le Musée cantonal d’histoire naturelle de Sion recèle des collections d’herbiers du XIXè siècle de la flore alpestre européenne. A l’intérêt plastique pour les formes organiques des plantes qu’il a herborisées lui-même s’ajoute à présent la fascination pour la qualité des gestes des collectionneurs, le soin et la passion que sous-entendent la conservation de tant de fragilité. Il accède là à un univers très protégé.

Véritable galerie de portraits de végétaux, l’ensemble des Phytogrammes se lit comme un constat à la fois objectif et poétique. La mise en évidence par le scanner, devenu « boîte à lumière », des détails propres aux structures de la plante agit comme la loupe révélatrice de sa réalité physiologique autant que de sa splendeur. Les images de chiendent, trèfle des prés, clématite des haies, liseron ou saxifrage révèlent une infinie diversité, comme autant de caractères d’une multitude différenciée, et induisent, pour peu qu’on y prête attention, une double réflexion : l’altérité est une richesse qui pousse au bord des chemins..

« Photographe indépendant généraliste » comme il se définit lui-même, Robert Hofer est surtout un regardeur curieux et investi dans la réalité contemporaine. Photographe de presse, co-fondateur en 1989 de l’association « Enquête photographique en Valais » qui documente les aspects notoires de la vie du canton, il s’intéresse depuis toujours à l’activité artistique. Parmi ces dernières publications on trouve un livre consacré au sculpteur André-Paul Zeller, le carnet des vernissages des 10 ans du Forum d’art contemporain (FAC) de Sierre et 117 portraits d’artistes valaisans. Il a réalisé de nombreux catalogues d’artistes. Robert Hofer installe son studio dans un atelier du centre artistique de la Ferme Asile à Sion. Et crée la plus petite galerie de photographie du monde, une vitrine d’1m2 tapie sous le lierre d’une rue incurvée de Sion..

Marie-Fabienne Aymon