PEINTURE, INSTALLATION

Alexandra Roussopoulos
L’exposition actuelle présente les développements récents d’une démarche initiée dans les années 90’: quatre toiles Archipel, six gouaches-collages Espace inventé, six gouaches de la série Évolutive. Depuis 2006, l’identité plastique d’Alexandra Roussopoulos s’est précisée; ses peintures ne trouvent plus leur limites dans le châssis rectangulaire classique. La question du format se pose avec la série des Euclidiennes pour évoluer jusqu’aux Archipels, formes organiques, ondulantes et sans plus aucun angle. Une surface presque immaculée, accidentée parfois de minuscules imperfections – une bulle séchée, un petit rien matériel – repousse la couleur jusqu’aux bords du tableau et sur sa tranche, pour finir en halo lumineux sur le mur blanc. Cette apparente immatérialité est en réalité fort solide: les châssis de planche pèsent leur poids, et le fond des toiles est sous-tendu par un collage de magazines féminins dont les pages ont disparu sous la peinture. Une manière de faire taire le brouhaha des images du paraître et de les remplacer par une nouvelle fluidité, une géographie réinventée. Les Espaces inventés montrent comment Alexandra Roussopoulos positionne ses formes fluides et organiques dans des espaces et des vues en perspective, des architectures et des constructions de droites, et comment elle se joue de cette rigueur en y introduisant la lumière, la couleur et la fantaisie de « représenter » sa peinture.

Martin Mc Nulty
Martin Mc Nulty est sculpteur et peintre. La force des circonstances a précipité son évolution artistique lorsqu’un incendie a détruit ses toiles il y a quelques années et qu’il a dû, sous peine de désespoir, regarder autrement les résidus de ce désastre. Les fragments calcinés de ses peintures auxquels il a redonné sens en les présentant sous forme d’objets non identifiés, lui ont permis, à l’époque, de trouver la voie d’un travail actuel autour de l’objet sans objet, fabriqué cette fois. Hors définition et sans référence, précieux et baroques ou humbles et modestes, les objets sont imaginés et dessinés, puis polis, moulés, colorés, floqués, hors hiérarchie assurément. Dans cette accumulation, chaque fragment de réel qu’on pensait indifférencié recèle en réalité les indices d’une histoire qui se réécrit à chaque instant; ces objets sont l’alphabet dans lequel Martin Mc Nulty pioche les mots haut en couleurs de ses indéfinissables poèmes de balsa, de résine et de plastic.

Brillants comme des bijoux ou fondus dans l’ensemble, tous les objets cohabitent, se parlent et s’influencent. Aucun d’eux ne ressemble définitivement à ce qu’il est dès lors qu’on le rapproche d’un autre. A fortiori, les installations de Martin Mc Nulty renforcent les variables: Cascade appartient à une série de suspensions qui prennent la forme idéale de chaque mur- les architectes ne s’y sont pas trompés qui l’ont publiée dans la revue Architectures à vivre – tandis que Short pieces est installé directement au mur. A ce principe d’accumulation qui fait du spectateur un chercheur de trésor répondent des installations épurées de deux ou trois pièces – End Games, Watt, Oh les beaux jours, tous titres empruntés au théâtre de Beckett – qui, par le choix qui est fait de les isoler, révèlent et accentuent leur singularité. Là dessus, les dessins de Martin Mc Nulty montrent l’esprit de construction sans limite qui sous-tend l’ensemble de ce travail.

Marie-Fabienne Aymon

A l’occasion de cette exposition, un catalogue est édité: Alexandra Roussopoulos. Textes d’Elisabeth Lebovici et Brooks Adams, 2008.
Un film a été réalisé: Alexandra Roussopoulos, Martin Mc Nulty: Orient et Occident
Réalisation: Bruno Joly, 21′, 2008 (Canal 9)