PEINTURE

Après que le Musée d’art et d’histoire de Fribourg lui eut consacré une importante exposition et un catalogue, Ivo Vonlanthen présentait ici, en 2001, des toiles peintes à l’acrylique et des aquarelles sur papier de riz ; des espaces traversés de grandes lianes, des herbes maigres qui dansaient ensemble dans un mouvement saisi au vol, un ballet végétal orchestré par la sensation du peintre. En 2005, Ivo Vonlanthen revenait avec une nouvelle série; il avait changé de medium, remplaçant l’acrylique par la peinture à l’huile ce qui influença sa recherche; la peinture se densifia comme une peau sur la toile, épaissie par de multiples couches tandis que, dégagées de cette pâte par une simple griffure, les lignes raréfiées figuraient toujours le végétal. En jeu, le fond et la forme, la peinture et le motif.

On l’aura compris, Ivo Vonlanthen est un peintre de paysage. Aujourd’hui, ce constat se régénère par le choix de grands formats qui situent la peinture au-delà de l’échelle de nos corps. Dans la série Chants de la terre, les dimensions mêmes des toiles invitent à ressentir une nature expansée, à expérimenter la sensation vécue du peintre dans la nature plutôt qu’à être les spectateurs de sa représentation. Les herbes sont fauchées et avec elles disparaît la question d’un motif sur un fond. C’est à travers l’accumulation, la fragmentation et la juxtaposition, sur toute la surface de la toile, d’un réseau compact de taches composites que se déploie à présent cette modulation terrienne. Elle évoque des sonorités sourdes, des perceptions de l’œil auquel ne peuvent qu’échapper les détails mais qui capte et filtre la lumière, le vert de l’ombre et des bois, le rose de l’air, les gris, l’éclat d’un jaune éblouissant, l’orangé du jour consumé. Ou leur souvenir. Car ce maillage vibrant de couleurs et de formes brossées où la peinture à l’huile et la terre font alliance est un travail d’atelier. Là où la peinture se met à vivre pour elle-même, dans sa propre logique, plus intuitive que représentative. Son élaboration est lente, et même s’ils marquent les rythmes, les gestes du peintre restent mesurés, contenus, sans pathos.

Mais c’est avec l’aquarelle qu’Ivo Vonlanthen reprend son souffle, régénère son inspiration, aère sa vision et allège son geste. La série Respirations est peinte d’une main légère et sans repentir au cours de nombreuses promenades et sur le vif. Sur ce papier de riz, léger comme un souffle, auquel il reste fidèle, il tente la chance de la grâce imprévisible, de la rencontre furtive entre une vision éphémère et un geste libre en trempant son pinceau dans l’eau des rivières.Les quelques aquarelles élues, marouflées sur un papier fort, sont comme autant d’inspirs lumineux pour descendre plus profondément dans les sonorités graves et chaudes des Chants de la terre.
Chanter, respirer, peindre…

Marie-Fabienne Aymon