LE DÉPAYS

Collaborations avec Claude Baechtold, Cathryn Boch,
Judith Espinas, Matthieu Gounelle, Julien Magre, Oscar Roméo, Editions Scrawitch/atelier Clot, Bramsem et Georges

Le Dépays est une exposition qui parle d’art, de peinture, mais aussi de la façon dont les images, pour abstraites qu’elles soient, s’inscrivent dans la vraie vie,
le partage, et la solidarité dans la pratique artistique. C’est une caractéristique authentique chez Alexandra Roussopoulos, qui se manifeste par son désir d’expérimenter des collaborations dans son travail.

Le Dépays, entre paysage et dépaysement, espace familier et absence inédite, c’est aussi « des pays » ; une histoire de géographie affective dans laquelle se dessinent la Grèce du père, la Suisse de la mère, la France de sa naissance, la Chine de ses récents séjours, résidences d’artiste et expositions, autant de territoires influents, quoique sans nom. On a vu ces dernières années des séries aux titres éloquents, Libres et mobiles, Géographies inventées ou encore Paysages occupés, autant d’explorations intuitives incarnées par des formes arrondies, mobiles et sensuelles comme des nuages iridescents, et qui déambulaient de dessins en peintures, de collages en photographie et en vidéos, écrivant à mots couverts une auto fiction à décoder. Depuis lors, si les formes de la peinture se sont aiguisées, complexifiées et ont réintégré une géométrie aux arêtes nettes, elles ne se laissent pas décrire ni totalement voir et coulissent parfois dans des fentes où l’oeil voudrait pouvoir se glisser à leur suite.

A l’occasion de cette exposition, Alexandra Roussopoulos a réalisé une peinture murale in situ, travaillant sur place et pour l’espace, selon une technique personnelle qui alterne papier de riz et peinture par couches. Cette « peau » appliquée au mur entre ici en dialogue avec deux autres modes de peindre, sur papier et sur toile. Le collage de papier de riz qui voile et adoucit les arêtes effilées de ces géométries intuitives disparait dans les peintures sur papier. Le ciel s’assombrit, l’ordonnance de la structure se défait et l’espace d’un paysage de cendres surgit, traversé de formes solitaires. Il y a là une gravité nouvelle, un voyage inédit en pays inconnu, dans un temps différent.

La série Double-Vue réalisée sur stéreocartes – un procédé datant du XIXè siècle permettant déjà une vision en 3D- est constituée de photographies de paysages d’un temps passé sur lesquelles Alexandra Roussopoulos intervient en peinture. A cette occasion, Claude Baechtold qui a photographié son atelier selon ce procédé, a installé le stéreoscope d’époque qui permet d’en faire l’expérience.

De paysage il est aussi question dans la toute récente édition Paul et la neige, un hommage qui réunit le photographe Claude Baechtold captant une performance d’Alexandra, qui illustre un poème de Matthieu Gounelle, poète et astrophysicien, à propos de Paul Roussopoulos, père de l’artiste récemment disparu. Une édition à trois voix donc, à l’image de cette exposition qui inclut des collaborations diverses – sculpture à quatre mains, peinture sur photographie, broderie sur peinture, lithographie et stylisme – toutes réalisés avec des amis artistes dans une dynamique de l’échange.

Julien Magre est un photographe plasticien, qui documente avec pudeur et finesse sa vie personnelle. Alexandra Roussopoulos intervient en peinture sur un choix d’images et cela devient Nos jardins.

Judith Espinas qui est sculpteure, a développé par strates successives et en trois dimensions l’une des formes emblématiques d’Alexandra Roussopoulos, qui évoque une montagne vue en Chine, le Mont Tian. Ensemble, elles ont aussi réalisé l’ Assemblée, petit colloque de pierres, de verre et de résine. C’est avec les Editions Scrawitch et dans l’atelier Clot, Bramsen et Georges à Paris qu’Alexandra Roussopoulos a réalisé les impeccables lithographies de cette exposition et avec Oscar Roméo, jeune styliste et complice, qu’elle a imaginé une robe couleur du temps.

A Cathryn Boch, qui gagnait en 2014 le grand prix de Drawing Now, le Salon du dessin contemporain à Paris, Alexandra a envoyé l’une de ses peintures sur papier qui lui est revenue raccommodée autant que trouée d’une dentelle proliférante faite point à point.

Le Dépays signale une transition, le passage d’une géographie à l’autre, d’un temps au suivant, on en devine la mélancolie et on voit le bonheur du lien.

Mfa