Jean-Michel Jaquet

JEAN-MICHEL JAQUET, Fondation Louis Moret, 12.06- 28.08.2022

 

J’ai la nostalgie de quelque chose qui n’existe pas. Par le dessin je le cherche, parfois je m’en approche, jamais je ne le trouve, ce quelque chose n’existe pas.

(Jean-Michel Jaquet)

La « ligne habitée » de Jean-Michel Jaquet investit les cimaises de la Fondation Louis Moret le temps d’un été. Une invitation à découvrir la richesse du dessin et de ses expressions à travers une trentaine d’œuvres sur papier (encres de Chine, fusains, huiles) retraçant le parcours de l’artiste entre 1990 et 2019. À cette occasion paraît une publication bilingue S’enfoncer dans la forêt/ Sprofondare nella foresta* réunissant un choix d’œuvres et d’aphorismes de l’artiste ; témoignage d’une cohabitation essentielle entre pratique de l’écriture et du dessin.

Jean-Michel Jaquet dessine depuis toujours. Sa ligne suit un chemin individuel, une veine magique, inquiète et dissonante, dans laquelle on pourrait reconnaître un écho de l’univers de Bosch, de Goya, de Louis Soutter, de Paul Klee, son père spirituel, ou encore des compositions religieuses de l’artiste suisse du XVe siècle Niklaus Manuel Deutsch. Sa ligne donne naissance à une cosmogonie personnelle et symbolique, où l’histoire individuelle rejoint l’archétype et une dimension universelle. On y rencontre l’euphorie de saint Christophe, le masque, l’amour, la gémellité, l’ange déchu, la mort, la résurrection. Loin d’être la manifestation d’une spontanéité brute, le signe sans concessions de Jean-Michel Jaquet, s’accompagne et se nourrit de références et d’un savoir pluriels.  Les lectures, le dessin d’observation, la copie d’après nature, la vie réelle, y constituent un répertoire formel infini, à partir duquel l’artiste a pu se frayer un chemin personnel et nécessaire. La limite, la rigueur, l’exercice quotidien et le spectacle du monde représentent, en d’autres termes, les prémisses indispensables à la conquête d’une improvisation sauvage. La sédimentation et l’intériorisation de ces images et de ces souvenirs conduisent progressivement à un signe qui touche par l’économie de ses moyens et par sa vitalité ; comme il l’exprime dans un de ses textes les plus poétiques: « La préparation est lente, l’action est brève. Comme pour le papillon ».

Face au signe impétueux de Jean-Michel Jaquet, face à cette vitalité primitive et sans repentirs pourtant nourrie d’un exercice du regard, nous percevons peut-être l’intensité propre  à la démarche de l’artiste. La même intensité qui le guide dans sa manière d’être au monde. La pratique du dessin et de l’écriture seraient guidées par la même énergie et le même but : retrouver une unité, une ubiquité entre une émotion interne et une expression externe. Une manière de « revenir à l’acte », qui nous fait penser à l’intention sous-jacente aux dessins laissés par les peintres de Lascaux ou Altamira. Le signe, suspendu dans le vide, se jouant de la syntaxe, de la perspective ou du modelé deviendrait la seule trace possible, constitutive d’une mythologie individuelle, où le monde des humains et des non-humains, serait relié en une unité première, sans hiérarchie, hermaphrodite et indissoluble.

Jean-Michel Jaquet est né à La Chaux-de-Fonds en 1950. Après des études à l’Ecole des arts décoratifs de Genève (1968-1971) il se consacre essentiellement à son univers pictural. Suite à des séjours en France et en Egypte, il retourne en Suisse en 1999, où il vit et travaille à Corsier-sur Vevey. En 2020, il s’installe à la Chaux-de-Fonds, sa ville natale. Son travail fait l’objet d’expositions en Suisse et à l’étranger et figure dans de nombreuses collections publiques et privées.

Antonia Nessi, juin 2022

*S’enfoncer dans la forêt/ Sprofondare nella foresta. Dessins et aphorismes de Jean-Michel Jaquet, avec un texte de Antonia Nessi, traduction de Luca Mengoni, Bellinzona : Edizioni Sottoscala, 2022, 130 pp.

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