ETC…

 

ETC…, les peintures de cette nouvelle série se suivent, s’engendrent et se reforment en un flux continu, une vaine tentative d’épuiser les variations du flou et du net, de saisir le souffle d’un paysage possible qu’on pourrait avoir vu entre les pans opaques de la géométrie. Car il faut peu d’indices à l’oeil humain pour recomposer un espace où exister. Ici, le geste doux, le pinceau souple et l’art du peintre font naître des mouvements d’air, des nuées grises, des buées célestes qui reconduisent au souffle, aux lueurs, à l’eau dans l’air ou aux fumées qui s’exhalent, toutes images nées de notre expérience de la métamorphose et de l’immatériel.

Ces mouvements informels, lents et translucides, le disputent sur la toile même à des pans gris et neutres, des surfaces impassibles dans leur caractère plan, opaque et géométrique. Il faut pourtant observer leur potentiel de fantaisie et d’imprévisibilité tant ils varient en dimension, en nombre et en position sur la toile. Et ces volets voyageurs se déplacent sur les toiles carrées, en retaillant au passage l’ouverture des fenêtres avec vue sur l’espace flouté. Lorsqu’ils se démultiplient et s’amaigrissent, ces panneaux gris vont jusqu’à retrouver un caractère de ligne, un motif récurrent dans la peinture de Jean Scheurer. Dès lors, c’est sur le mode du rythme que se mettent à vibrer les toiles.

L’inclinaison des axes, ces légers biais qui semblent s’immiscer dans quelques peintures pour en perturber l’équilibre – on sait que Scheurer aime se contredire – participe de cette vision syncopée. Elle est à son comble dans les toiles colorées où des dizaines de lignes éclatantes dansent en rang serré une gigue frénétique pour l’oeil. Et l’on voit ici comment la force de la verticalité contient, sans les contraindre, les lignes dissidentes qui versent à droite et à gauche sans jamais déclencher le chaos.

Sans début ni fin, ces peintures semblent dérouler une partition linéaire qui défilerait dans le champ de la toile. En cela, elles s’opposent à trois peintures noires, trois fenêtres carrées ouvertes sur la nuit. On y distingue des mouvements qui ne sont ni remontés des brouillards, ni marqués de l’opacité, mais un passage paradoxal, en profondeur, vers une obscure clarté.

 

Marie-Fabienne Aymon