ART CONSTRUIT ESTAMPES – ATELIER EDITIONS FANAL – SUITE…

La Fondation Louis Moret présente une exposition d’été d’œuvres sur papier qui toutes se réfèrent à ce qu’on désigne en général par le terme d' »art construit ». Caractérisé par un vocabulaire abstrait et géométrique, il se resserre autour de quelques figures de base – le rectangle, le carré, le cercle – utilise le noir et blanc radical et les aplats de couleur, développe son goût de la forme par l’exploration de systèmes, de thèmes et variations et de règles du jeu. Il y a là de quoi creuser sans fin.

Les Editions Fanal, petite enclave francophone active à Bâle, font référence en sélectionnant et invitant depuis 30 ans les meilleurs artistes de l’art construit,  en Suisse, en France, en Allemagne, en Angleterre, au Japon etc, à réaliser et à imprimer leurs estampes dans leur atelier et sur leur presse, au bord du Rhin. Gravures, sérigraphies et livres d’artistes qui en sortent sont des tirages limités de la plus haute tenue. Les Editions Fanal participent chaque année au très sélectif Art Basel.

Les formes synthétiques de l’art construit, malgré leur apparente simplicité, restent en prise avec le réel; Cézanne le disait déjà: tout dans le visible peut se résumer aux figures de la sphère, du cube et du cône. Au début du XXè siècle, cette intuition se radicalise avec l’apparition de l’art abstrait et les révolutions venues des avant-gardes russes. Constructivisme et suprématisme portent alors les formes d’un rêve collectif, celui d’une société nouvelle, et les artistes sont au front. Le pouvoir les lâche mais l’art continue. En Europe avant-guerre le Bauhaus et ses liens avec l’architecture, De Stjil et Mondrian, Cercle et Carré, l’Art Concret, puis les années 60’ avec le Minimalisme venu d’Amérique et le Neo-Géo de ces dernières années constituent la généalogie et la famille de l’art construit.

Lorsqu’on a goûté à l’efficacité de l’adage « Less is more » – moins c’est plus – on ne finit pas de creuser cette voie intemporelle. Parce que tout en renvoyant aux fondements du langage plastique, elle ne limite en rien l’expression individuelle. C’est un paradoxe qu’on peut vérifier ici. Utiliser le vocabulaire de la géométrie n’exclut pas le sensible mais bien plutôt l’exacerbe, obligeant l’œil à fouiller dans la mémoire des sensations initiales, à se rincer littéralement. Un angle pose l’équilibre, une diagonale peut être transgressive, une courbe et c’est l’envol, le blanc s’impose, le noir creuse, les trois couleurs primaires –rouge, jaune, bleu – contiennent toutes les autres.

Gottfried Honegger, un grande figure de l’art construit, 93 ans et toujours actif, est ici à l’honneur avec ses deux dernières sérigraphie-collage et sa plus récente édition (2010), un relief en métal laqué. Mais ce sont ses trois planches complémentaires, Angle et ligne, qui ont inspiré toute la mise en espace. Trois formes et trois couleurs, trois combinaisons pour synthétiser le propos d’une exposition qui rassemble ses forces: géométrie, silence, humour et lumineuse intelligence, le tout à la règle.

Marie-Fabienne Aymon