Nicolas Dhervillers (1981) est un artiste français qui travaille dans le domaine de la photographie et du dessin. S’inspirant d’une écriture cinématographique, théâtrale et picturale, ses recherches décloisonnent le medium photographique. Il a réalisé une commande historique pour le Centre Pompidou-Metz en 2009 et est présent dans le Fonds municipal d’Art contemporain de la Ville de Paris.

DETACHMENT
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Nicolas Dhervillers est un artiste plasticien français qui travaille dans le domaine de la photographie et du dessin. Il a réalisé en 2009 une commande historique pour le Centre Pompidou-Metz, il est représenté dans le Fonds municipal d’Art contemporain de la Ville de Paris, où il vit, il expose à l’international et il fréquente régulièrement le Valais depuis qu’il y a séjourné, à l’occasion d’une résidence d’artiste au Centre artistique et culturel de la Ferme-Asile à Sion en 2011.
Qui a vu l’exposition qui s’ensuivit alors se souvient sans doute du premier volet de ce qui est devenu une trilogie. Le second est né en 2013. Detachment daté 2016, est le troisième acte.

Detachment est une série de photographies dédiée à une communauté d’Amish anabaptistes qui s’est constituée à l’origine en Suisse à la fin du XVIIe siècle avant de faire souche aux Etats-Unis et qui, aujourd’hui encore, refuse de s’ouvrir au monde.
Nicolas Dhervillers met en scène des personnages solitaires et méditatifs, hommes, femmes et enfants qui, semblant venir d’un autre temps, font corps avec un paysage silencieux, puissant, souvent sauvage mais duquel la modernité n’est pas toujours exclue. Des ponts d’acier, des routes, des grues nous indiquent qu’au-delà de l’ampleur de la vision, de la charge romantique du décor, la civilisation est là. Etranges temporalités dans laquelle les figurants à chapeaux, bonnets et tabliers rejouent des scènes rescapées du temps des contes et des utopies.
Detachment, le titre même de cette suite photographique, est ambigu. Dans ce temps suspendu, on ne sait jamais si la solitude de ces personnages silencieux exprime le refus d’appartenir au monde moderne, ou fantasme leur émancipation de la communauté.

Nicolas Dhervillers met littéralement en lumière ses photographies comme le ferait un metteur en scène. C’est avec My Sentimental Archives, la première série née en 2011, que débutent les prises de vues en nuit américaine qui caractérisent la trilogie. Ce dispositif, emprunté aux techniques du cinéma, permet de recréer un effet de nuit en plein jour grâce à des filtres en place sur l’appareil photo puis sur le fichier numérique. Le travail consiste à composer la dramaturgie d’un récit dont la lumière orchestre les temps forts en «grattant» les filtres pour la laisser revenir ici et là. Lueurs sourdes d’avant l’aube, rais de soleil filtrés dans les feuillages, brumes diffuses, faisceaux, éclat lunaire, la lumière est le sujet qui traverse tout. Les figures des Amish, photographies trouvées sur internet, sont re-éclairées pour s’incorporer au décor, à une échelle légèrement fausse qui accentue l’effet d’une étrange suspension.

Les paysages qui composent ces décors ont été photographiés en Valais et alentour. On reconnaitra, comme revenus d’un autre temps, des sites particuliers comme la cascade dite de la Pissevache ou la plaine de Vernayaz. La grotte des Géants à Saillon et son rocher anthropomorphique peint par Courbet durant son exil suisse en 1873, ou la figure d’un penseur digne de Rodin sur le muret d’un pont créent le lien avec la série Hommages, 2013 dans laquelle Nicolas Dhervillers s’intéressait à la peinture classique en s’appropriant et en découpant des personnages de maîtres anciens, comme le fit Nicolas Poussin au XVIIe, usurpant certains tableaux à son beau-frère moins célèbre Gaspard Dughet. Ses personnages, qu’ils soient extraits des archives photographiques du Valais du XIXe, des figures de la peinture classique ou ici des Amish contemporains mais vivant dans le passé, font tous référence à un temps différent dans lequel Nicolas Dhervillers va les chercher pour les incruster dans sa réalité, sa lumière, sa narration.

Surréelles, oniriques et néanmoins reliées à l’expérience du paysage, les Memory Drift 4, quatrième volet de ces mémoires à la dérive initiées en 2015, font ressurgir des visions de nature et de montagne, non plus photographiées mais vues et retenues dans la mémoire puis restituées par le pastel noir sur le papier blanc, dans une densité de vision comparable au noir et blanc de la photographie argentique.

Supports et formats diffèrent, mais entre détachement et mémoires à la dérive, la même étrange solitude plane sur ces visions romantiques du sentiment de la nature.

Mfa