Katherine Müller vit et travaille à CH-Lausanne.

SLOW ORNAMENTS
SLOW ORNAMENTS

Slow Ornaments, littéralement “ornements lents”, est un titre  délicat à traduire; il exprime d’emblée ce léger décalage propre à l’univers plastique de Katherine Müller: peut-on être un ornement et être lent? Pratiquer l’austérité et la frivolité, la délicatesse et l’ironie, la précision et le flou?…

Vue d’ensemble: des toiles de différents formats, seules ou à plusieurs, sur la surface desquelles se déploie une couleur lisse et parfaite, monochrome ou ton sur ton, une proposition impérieuse qui s’offre au regard sans détour; ici noir, rouge, gris, blanc. Vue de plus près: des paysages urbains recouverts d’un voile noir; des peintures très construites, géométriques; une inscription – ESCAPE – comme une voie de secours à peine lisible, une toile blanche qui parle de la nuit, en anglais; la masse des arbres qui défilent; autant d’entraves à une lecture trop immédiate des sujets au profit de la couleur, dont les monochromes sont la plus pure expression. Le tout se croise et se répond, se constitue entre apparition et disparition.

Avec ornements…
Un terme utilisé plutôt dans le champ des arts-appliqués, qui évoque les garnitures, les moulures en stuc, les frises décoratives, tous éléments secondaires à la structure qu’ils agrémentent. Le choix d’un élément résolument décoratif traité en thème et variations n’est pas dénué d’ironie tant subsiste encore l’ambiguïté du rapport douteux de la peinture avec la décoration. En réalité, elle réaffirme ce qui fut à l’origine énoncé au début du XX° siècle par Matisse, fasciné par les arabesques et les ornementations, et qui depuis lors a fait son chemin: il n’y a pas de sujet décoratif, il n’y a que de la bonne ou de la mauvaise peinture. Katherine Müller utilise une technologie contemporaine pour créer des ornements qui semblent ressusciter les fastes d’un autre temps, à mi-chemin entre le blason de famille, un lustre d’apparat et le motif vénitien d’un velours. Le profil de ces formes complexes, appliqué comme l’ombre d’un bijou sur la surface impeccable de la couleur, contamine aussi bien toutes les composantes de sa peinture.

L’ornement agrandi à l’extrême et sortant du cadre se lit comme la version baroque des grandes compositions géométriques de droites et d’angles, les General Surface.
Il flirte avec le monochrome lorsque, placé dans un carré rouge fruité, le petit motif défie la vibration de la couleur pure en fixant un point au centre. Recouvert de paillettes il se profile comme un artifice. Distendu dans un long travelling, ses contours se flouent. Enfin il disparaît pour s’énoncer en toutes lettres – SLOW ORNAMENTS – et on le cherche alors dans l’idée qu’on s’en fait. Puis, dans une série de dessins à la craie grasse, l’ornement perd tout à coup de sa superbe et se donne fragile et troublé, hésitant et émouvant.

Et puis il y a Katherine, un autoportrait avec ornement, son collier préféré, et un monochrome de paillettes de verre, raffiné, mélancolique, hors du temps, ralenti.

Marie-Fabienne Aymon