Flavio Paolucci
CHOIX 2001-2006
Legami
Flavio Paolucci

Flavio Paolucci, « La cascina si è appoggiata », 2019, bronze et bois, 51x28x20 cm © S. Beretta

FLAVIO PAOLUCCI, Fondation Louis Moret

20.06 – 29.08.2021

« J’aime beaucoup regarder les choses, les toucher, sentir leur corporalité entre mes mains : les sens, et les yeux, surtout, sont les fenêtres à travers lesquelles nous connaissons le monde, l’outil qui donne à voir ».

(Flavio Paolucci)

Chaque jour, par tous les temps, Flavio Paolucci se rend dans la nature. C’est dans les environs de son atelier, à la périphérie de Biasca, qu’il découvre les éléments constitutifs de ses oeuvres. Une rencontre du regard qui peut conduire au choix d’un matériau – branche, feuille, noir de suie -, à sa collecte, puis à une lente phase d’observation et d’agencement dans le silence de l’atelier. La matière trouvée dans son environnement originel connaît ainsi une nouvelle vie, un nouveau destin, peut-être une forme de protection. Tout en conservant le fondement de son essence, elle est réelaborée, modifiée, juxtaposée à d’autres éléments, transformée en « objet-pensée ». De la nature à l’atelier, la métamorphose s’accomplit alors lentement, par l’oeil qui contemple et la main qui assemble. Les signes de l’alphabet de Paolucci dessinent au fil des années des équilibres et des combinaisons précaires,  entre artifice et nature, matières pauvres ou nobles, signes iconiques (barque, colonne,  maison,  branche,  feuille, œuf, étendard) ou géométriques (cercle, triangle, ligne verticale ou plane).

Ni sculptures, ni objets, ni reliefs, ni dessins, et pourtant tout cela à la fois, les œuvres de Paolucci s’offrent à nous tels des micro-récits dépourvus de narration, d’où émergent des bribes de rêve et des entités universelles évoquant la naissance, la vie, l’amour, la fragilité, la condition de tout être humain sur terre. Bien que pouvant trouver un écho avec l’Arte povera ou le surréalisme, la démarche de Paolucci reste résolument indépendante. Insoumise à une lecture symbolique immédiate, à l’écart d’un courant artistique ou idéologique défini, elle se distingue par son autonomie, par sa cohérence et par une recherche intemporelle et intérieure. D’une désarmante simplicité, d’une mystérieuse clarté, d’une inquiète tranquillité, l’œuvre de Paolucci, tout comme la poésie, ouvre à une expérience du monde et du regard toujours renouvelée.

Antonia Nessi

Exposition du 20 juin au 29 août 2021, du mercredi au dimanche de 16h à 19h.
Entrée libre, masque requis.

CHOIX 2001-2006

« La colonne n’est jamais seule. Elle se répète comme se répète l’homme, l’histoire s’écrit ainsi d’hier à aujourd’hui. C’est justement cette dualité possible qui m’intéresse: ériger, élever quelque chose pour le mettre au-dessus de l’autre, à l’infini. Où finit la verticale, la vérité? L’étendard que je portais dans les processions de mon pays, je le porterai jusqu’à la mort. Et, plus je tente de changer ce témoin et plus il se répète. Aujourd’hui ce sont le papier, le bois, la suie qui torturent mon imagination. Je voudrais remonter à la surface, mes petites vérités sont toujours en train de monter. Mais qui aujourd’hui peut dire qu’il sait voler. Ma vie est faite de strates, de superpositions et de transparences. Chaque jour, ce processus est mis en péril. Tout bouge, tourne, se rebelle entre les inventions, la mémoire, l’expérience. Chaque fois, une chose appelle l’autre, sans fin, comme la vie et la mort. Je constate que le soleil est en train de poindre, je dois partir pour suivre mon ombre dans un voyage sans arrivée. » Flavio Paolucci, 1989

L’exposition de Flavio Paolucci (1934) s’articule autour d’un choix de sculptures et de papiers réalisés entre 2001 et 2006. Aériens dans leur façon d’occuper l’espace en le laissant amplement respirer, les objets de Flavio Paolucci utilisent le mur et le sol, le vide et la transparence comme le plein et le dense, la forme et son ombre inversée, ce qui est suspendu et ce qui est posé, dans un rapport de subtil équilibre. Entre le mur, traditionnel support de la peinture, et l’objet en trois dimensions, un dialogue paradoxal s’instaure, fait de déplacements, de tensions et d’emprunts, pour aboutir à un étrange équilibre qui, comme un conflit résolu, semble aussi délicat que définitif et auquel, contre toute logique, on souscrit pleinement. Peut-être parce que tout l’oeuvre de Flavio Paolucci est marqué par cette tranquille assurance qui conduit le regard vers une expérience toujours inattendue et totalement cohérente en regard de son chemin. Elle contient une capacité d’infini renouvellement, dans le choix même de la simplicité des matériaux depuis longtemps recensés. Bois clair, papier du Népal aux fibres beiges, verre opaque ou transparent, bronze qui pérennise les feuilles et les branches, marbre blanc de Carrare, noir de suie collecté dans les cheminées des vallées du Tessin, de nuance variable selon l’altitude et le bois utilisé à la combustion, et la feuille d’or, pure et solaire, qui enveloppe. Tout est là et se combine autour des principes fondateurs: point, ligne, plan, et leur développements. Le bois dessine des lignes, le point est un cercle de verre ou une boule noire, les rectangles, en figures stables, sont posées en équilibre sur des socles. Les formes organiques, feuilles et branches de bronze pérenne et œufs de marbre, fécondent la géométrie, la suie teinte le bois, la lune a la couleur du soleil.
Marie-Fabienne Aymon